___________________ S'élever par soi-même ___________________
___________________ S'élever par soi-même___________________

Les mots de l'Éducation

 

Camus  Louis Germain

 

    ● Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. (...) 

 

Lettre d'Albert Camus à son instituteur, Louis Germain, après la réception de son Prix Nobel de Littérature (1957)

 

     ▪ Tel un héros grec conté par Homère, un homme peut-il renverser seul les forces contraires de la fatalité ? Camus  témoigne ici que cette route ne peut se passer de la présence des maîtres, que toute personne avance sur ce chemin guidé par leurs modèles, et que le prix Nobel se reçoit à quatre mains. 

 

* * *

 

Cours Germain © 2024

 

Cabinet d'Enseignement

 

 

Médée d'Arès

 

Une création du

Théâtre des 3 Raisins,

Festival OFF d'Avignon

 

Mise en scène et interprétation Isabelle Krauss

 

 

 

L'Histoire

 

      Athènes, sur le rocher d’Arès, pendant le règne légendaire du roi Égée. Meurtrie par la répudiation de son époux Jason au profit de la princesse de Corinthe Créuse, Médée a sombré dans la folie meurtrière en empoisonnant sa rivale et en tuant ses deux fils Tissandros et Phérès. Fuyant la haine de Corinthe, elle est partie se réfugier dans la cité d’Athéna pour demander protection et asile. Elle comparaît devant l’Aréopage des anciens, juge suprême de la cité, pour se défendre face à ses crimes. L’heure est maintenant à sa plaidoirie.

 

 

 

 

 

Le rocher d'Arès à Athènes, avec sa vue vers l'Acropole. 

 

C'est ici qu'étaient jugés sous l'Antiquité les athéniens accusés de crimes. (image, G.E. Koronaios)

(The Acropolis from the top of the Areopagus / wikimedia.org / recadré / CC creative common)

 

 

 

Présentation
 

          

       Médée n'aurait-elle droit qu'au bûcher et aux flammes qui siéent aux empoisonneuses et aux mères meurtrières ? N'a-t-elle pas aussi une part d'humanité qui expliquerait son geste et dont on pourrait tirer une moindre leçon ? Car on peut découvrir sous son masque criminel une toute autre légende que celle qui lui est coutumièrement accordée. Celle non plus d’une femme meurtrière se complaisant dans le crime, mais plutôt d'une jeune fille perdue d'Arménie, élevée dans les poisons et les philtres d’Hécate la magicienne, et qui ne rêve qu'aux parfums et aux ors de la Grande Grèce.

 

L’histoire, le mythe d'une femme aveuglée par le beau Jason, et qui par amour va réaliser les plus bas crimes. La destinée d’une femme trompée par un homme égoïste ne songeant qu'à son ambition et à sa gloire, et qui ne recevra pour toute récompense de ses sanglants services que sa répudiation au profit d'une princesse grecque et son bannissement de Corinthe.

 

Voici ce que cache à mon sens ce destin grec : le mythe d’un idéal féminin bafoué.

 

 

 

Extrait de Médée d'Arès

 

La Colchide - Premières pages 

 

Athènes sur le rocher d’Arès, pendant le règne mythique du roi Égée. Un ciel bas et froid d’hiver enveloppe d’une lumière pâle l’étroit massif rocheux, assis à l’ombre des remparts de l’Acropole. La scène s’ouvre sur un large parterre désertique fait d’un sol au marbre rocailleux et à la végétation rare. Au lointain, les perspectives se perdent dans l’horizon septentrional des montagnes de Grèce où siègent les Olympiens. À l’est, vers le levant et ses blanchâtres lumières, l’escalier monumental des Propylées se dresse, écrasant de sa masse austère l’étroit récif naturel. Sur l’autre versant de la scène, au couchant, un chaos de blocs parsème les limites occidentales du rocher en offrant un modeste abri rupestre pour se protéger, et des bancs taillés sommairement dans le roc pour s’asseoir et écouter. Tout autour, c’est la falaise d’où se dévoilent les toits et les colonnades de l’agora d’Athènes, et d’où l’on précipite sans pitié les condamnés.

 

Rien ne vit dans ce désert minéral sinon une chouette sauvage qu’on croit endormie. Elle s’éveille soudain en fuyant dans un cri. En contrebas, sur un chemin escarpé qui longe au midi les pentes du rocher, les douze juges de l’Aréopage athénien apparaissent dans leurs drapés solennels. Ils prennent place sur l’esplanade, au flanc d’un long rocher. Plus loin vers l’occident, à l’écart du haut conseil, un petit peuple de citoyens où se mêlent quelques vieillards et jeunes filles, s’avance et attend prostré. Le héraut d’armes de la cité de Corinthe parait escorté d’hoplites casqués. Il s’avance devant les juges de l’Aréopage et vient planter la lance de justice dans la souche d’un ancien olivier pour réclamer châtiment et vengeance au nom des siens. D’un pas martial, il retraverse le parterre et disparait de la scène. Un vent marin venu du Pirée se lève dans ses effluves salés et balaie, au milieu des claquements d’étoffes, les quelques murmures humains qui osaient encore être proférés.

 

Une ombre furtive se glisse au lointain dans la pénombre d’un des rochers. L’accusée parait. Médée est là, seule, les mains vides, vêtue d'un drapé noir aux ornements pourpres comme le sang. Elle fait face à l'Aréopage et aux membres de la cité avant leur affrontement. Après un moment d’attente, son visage grave s’anime enfin, rompant un silence devenu étouffant.

 

MÉDÉE D’ARÈS « Gens d'Athènes, fils et filles d'Égée ! Vous qui êtes venus sur la terre d’Arès écouter et juger. Voyez celle qui s’avance devant vous, pâle et plaintive, souillée par le sang noir de l’homicide. Voyez ces mains et ce visage, le bras du crime et celle que tous réclament. Voyez celle que l’on nomme Médée. »

 

Impressionnés par la scène, et de voir comparaître devant eux l’accusée que tout condamne, les citoyens s’approchent lentement. Quand les mains de l’accusée se crispent soudainement. Son visage se révulse, ses yeux se chargent d’éclairs sombres et menaçants.

 

MÉDÉE D’ARÈS « Ouvrez vos yeux, peuples de la Grèce ! Qu’ils se glacent d’horreur, qu’ils se couvrent d’effroi. Car voici devant vous la femme la plus indigne qui soit. »

 

Sa voix éclate sur l’Arès dans une terrible catharsis de violence qui pétrifie l’assistance.

 

MÉDÉE D’A. « Des portes de l’Orient jusqu’aux monts de l’Épire, toutes les cités grecques s’assemblent pour l’insulter et la haïr ! Médée au nom maudit. Médée la traîtresse, l’héritière du royaume d’Arménie qui abandonna sa terre pour suivre Jason, l’ennemi de la Colchide. Médée l’amante maléfique qui s’unit à l’envahisseur grec pour voler la toison sacrée de ses ancêtres. »

 

Au centre du parterre rocailleux, elle poursuit le récit de son acte d’accusation devant ses juges demeurés impassibles. D’une voix furieuse.

 

MÉDÉE D’ARÈS « Médée, jamais rassasiée du sang de ses victimes, poursuivant dans Corinthe ses œuvres criminelles, en tuant le roi Créon et Créuse sa princesse ! Médée la peur de toutes les mères, la meurtrière de ses fils Tissandros et Phérès. Celle qui ne donne la vie que pour faire périr l’innocente jeunesse. Médée, la digne compagne du souverain de l’Hadès. L’ouvrière de tous les crimes que les mortels puissent commettre. Médée la barbare sanguinaire que toute la Grèce déteste !

 

L'auteur

 

 

Jérôme De Leusse (né en 1978) s’est passionné à vingt ans, au milieu de ses études parisiennes, pour la littérature dramatique avec notamment la réécriture du mythe de Médée, la mère meurtrière. Dans une langue classique héritée des tragiques de l’école, cet enseignant de formation a puisé son inspiration dans les grands procès de son temps (Papon, 1998) ou du passé (Jeanne d’Arc, 1431) pour imaginer ce procès en réhabilitation.

 

Sa pièce de jeunesse réapparait aujourd’hui grâce au théâtre des Trois Raisins. Elle s’est étoffée des recherches personnelles de l’auteur sur la question de la culture et de ses origines dans la tragédie. Le mythe de Médée devient à présent celui d’un destin grec, et de notre aspiration commune à la culture, au milieu des cris et des larmes de la barbarie.

 

 

 

 

 

Soir de première

à Avignon

(représentation scolaire. 2024)

 

 

Article de presse

 

" Avec ce texte, grâce à cette scénographie et à
l’incarnation charnelle d’Isabelle Krauss qui rend
parfaitement audible la détresse de Médée d’Arès l’on se
rend sur “une autre scène” en tant que spectateur.ices,
on questionne l’ensemble des verdicts qui fusent dans le
monde à l’encontre des femmes, dont on juge les faits et
gestes avec un regard différent de celui qui inspecte le
masculin “héroïque"    (Adeline Avril)

 

Le Son des planches 

 

   LES DESTINS GRECS •  à la recherche de la culture

 

  (Chapitre 1  livre audio)  

 

 

 

 

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